Chez Sonia, observations sur mon temps... et dans mon espace aussi

Remarques, observations à propos de ce que j'observe, de ma vie, de ce qui m'entoure, de mes expériences, à travers mes lunettes de Française devenue marocaine...

mercredi, août 12, 2009

Le choc de l’accident de voiture…

Depuis quelques mois, je suis assez sensible à ce sujet, venant récemment d’acquérir une voiture, ma première en fait, quelques mois après l’obtention, tardive certes pour mon âge, du permis de conduire marocain. Comme à mon habitude, m’émerveillant et allant de surprises en chocs émotionnels (dégoût, agacement, énervement, incompréhension, plaisir aussi) face aux situations nouvelles, j’observe mes semblables, je me découvre de nouveaux comportements, et adopte une attitude introspective qui désole certainement une partie de mes amis, tellement ce que je peux leur faire partager leur parait désormais banal…

Les accidents de voiture. Oui, je sais, on vous en a tellement rabâché les oreilles, entre la télé et la radio, que vous êtes mêmes tous capables de le dire en arabe : hawadith as-sairr… ;-) Eh oui, même moi, je le connais. En fait, ce ne sont pas les statistiques des accidents de la route, le nombre de morts causé par an, ou le fait que ça soit horrible, etc… que je souhaite évoquer. C’est plus la réaction humaine, psychologique que l’on peut avoir, lorsque l’on se trouve à proximité de ces accidents… Maintenant que j’y pense, je précise qu’il s’agit des accidents impliquant des dommages corporels, selon le langage des assurances, lorsque des personnes sont physiquement atteintes par ces accidents, qu’elles le soient de manière légère ou grave.

Concrètement, cela fait un peu plus de 6 mois que je conduis, et il m’est déjà arrivé de passer en voiture près d’un lieu d’accident récent où visiblement une ou plusieurs personnes avaient été blessées. La dernière fois, c’était ce samedi 08 août 2009, sur le tronçon reliant Rabat à l’autoroute menant vers Fès. Il devait être entre 16h et 17h. L’accident venait de se produire il y a moins de 5 minutes. Je suis vite passée. Je n’ai gardé que quelques flashes d’images, étant bien entendu choquée, devant me concentrer sur la conduite de ma propre voiture, et sur ma maîtrise de moi-même… Un motocycliste était impliqué. Au moins une autre voiture ; il y en avait déjà plusieurs stationnées sur le bas-côté mais impossible pour moi de distinguer la ou les voitures impliquées de celles qui s’étaient arrêtées pour aider ou simplement voir. En tout cas, pas de voiture en plein milieu de la chaussée. La moto était sur le terre-plein gazonneux du milieu, écrabouillée. Le motocycliste, debout, sale (comme un mécanicien plein de cambouis) sautillait sur une jambe ; à l’autre, il n’avait plus sa chaussure. Peut-être sautillait-il justement parce qu’il avait perdu sa chaussure. Peut-être sautillait-il parce qu’il avait mal. Je ne saurais dire. En tout cas, il était debout. Au même moment, à 20 mètres devant moi, je vois une silhouette sur la chaussée droite qui saute haut, à plusieurs reprises, les bras levés au ciel et les ramenant à son visage ; maintenant que j’y repense, je ne me souviens plus s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme ; tout ce que je dont je me souviens, c’est qu’il s’agissait de cette même gestuelle symbole de catastrophe dévastatrice caractéristique des cultures de la Méditerranée. Quatre ou cinq personnes attroupées autour d’un garçon, dix-douze ans, lui aussi debout, allant à première vue bien, si ce n’est que son visage portait des traces larges de sang. Au final, beaucoup de dégâts matériels apparemment, peu corporels.

Ces visions m’ont oppressée. Il m’a fallu 5 bonnes minutes pour me calmer tout en roulant. Je suis toujours aussi étonnée de cette sensation lorsque je passe à proximité de ce type d’accidents. Cela peut arriver à tout moment, à n’importe qui. Supposons que cela arrive, que faire ? Quel numéro appeler ? Comment s’organiser ? Si on est soi-même impliqué dans un accident ? Ou encore, si on est le seul à passer dans les parages et à pouvoir porter secours ?

Malheureusement pour le cas particulier que je viens de vous décrire, le motocycliste impliqué venait de me dépasser à toute vitesse quelques minutes auparavant… Si moi j’étais à la vitesse limite autorisée, soit 100 km/h, je n’ose tenter d’évaluer la sienne…

Durant les 5 minutes suivantes, après avoir dépassé le lieu de l’accident, je prononçais répétitivement une formule religieuse, a’oudou billah, presque comme une incantation, pour me calmer, pour conjurer le sort, pour tout un tas de raisons dont je n’ai probablement pas conscience. Ce qui me soulève le plus le cœur, lors de ces événements, c’est cette idée de vies humaines impactées, choquées, brusquées comme une sorte de déviation brusque sur le chemin tranquille de la vie. On est là, tout va bien, rien à signaler de particulier, et puis la seconde d’après, ça n’est plus le cas… Ca vous tombe du ciel, comme ça, comme une météorite ai-je envie de dire (sachant bien entendu que je n’ai jamais expérimenté moi-même la tombée d’une météorite… ;-) ). Au-delà de la matérialité des blessures, des vies en danger, des vies perdues même, de personnes brisées et en pleurs, ce qui m’inquiète sourdement, c’est l’instantanéité de la chose. Cela tombe comme un couperet.

Je pense que mon psy parlerait de phénomène d’identification. Par exemple, voir un cadavre n’a en réalité rien d’effrayant ; le cadavre ne représente pas une menace en tant que tel. Toutefois, la peur de la vue d’un cadavre, peur assez commune, s’explique selon lui par le fait que l’on s’identifie à ce cadavre, en pensant, consciemment ou non, à soi-même mort, ce qui est certainement une idée peu réjouissante…