Il y a quelques jours, j'allais chercher des photos d'identite pres de mon bureau, a pied, et en revenant, je suis passee devant un vendeur de fruits et legumes, un vieux monsieur, certainement de la campagne. Il est tout seul, sur une artere ou il n'y a pas de commerce. Comme j'ai eu envie de manger un fruit, je me dirige vers lui, lui demande une banane, une seule (les vendeurs n'ont pas l'habitude de vendre au detail, alors je lui ai dit que c'est pour manger tout de suite, la, sur la route). Combien ca coute? 1 livre. Je lui tends un billet bleu de 5 livres, mais il n'avait pas la monnaie. Et la, oh comble de surprise!, d'un air intimide, presque "hachman", il marmonne, en me rendant mes 5 livres, quelque chose comme: "Non, non, c'est pas grave... Plus tard...", vous savez, un peu comme nos vieux Berberes qui sont presque genes de faire un geste bon ;-)
Je vous avoue que d'abord, j'ai ete extremement surprise par un geste pareil. A mes yeux, un tel geste en Egypte relevait de l'impossible. Quelqu'un qui laisse "a la volonte du bon Dieu" le soin de lui rendre son du, selon qu'il est tombe sur quelqu'un d'honnete, ou quelqu'un de vereux... Quelqu'un de "nnia" comme on dit...
Puis je me suis reprise, je l'ai remercie, j'ai recupere mes 5 livres et ma banane, et puis je me suis rendu compte a quel point ma reaction de surprise avait ete forte. C'est dire a quel point l'opinion que je poeux avoir des Egyptiens est vraiment negative...
Je me suis alors rappelee toutes les fois ou un chaufeur de taxi a essaye de m'apitoyer ou de reagir agressivement pour avoir 2 a 3 fois le prix de la course, et la sensation de malaise ressentie car je me disais toujours: "on ne sait jamais, surtout ne pas prendre le risque de le leser" ou en arabe: "ma bghitch nddi 7aqou...", ou le portier de mon immeuble qui s'ecrase (enfin plutot s'ecrasait car j'ai dit non) devant moi quand je revenais avec des courses: "Ah! mademoiselle, c'est trop lourd tout ca pour vous", alors qu'en realite, il en a pas grand-chose a foutre de vous du moment que vous allez lui donner un pourboire a la fin, ou encore mon propre chauffeur de taxi, avec qui je me suis mise d'accord pour le tarif des trajets appart-bureau: cela fair plus d'un an qu'il me sert de chauffeur, il aime a parler de notre relation comme celle d'une grande "m3achrra" (i.e frequentation), mais quand je lui demande le prix d'un trajet durant le week-end, vous croyez qu'il m'applique au moins le tarif normal, si ce n'est carrement un tarif gentiment discounte? Tu parles! Je vous donne un exemple. La reference: mon appart-mon bureau: 45 mn, 20 livres egyptiennes (et durant les heures de pointe, s'il vous plait). Alors je lui demande par exemple: mon appart- Carrefour: duree approx: max 15 mn (vendredi vers midi, aucune circulation), eh bien tres naturellement, il me demande 20 livres! La meilleure: mon appart- Sakkara (c'est legerement en dehors du Caire, mais moi meme suis a la bordure du Caire), la duree approximative est maximum de 30 mn. Eh bien, la encore: 50 livres!
En lui expliquant ma logique, etc: 45 mn = 20 livres, 30 mn = 50 livres, euh... y a pas un probleme la quelque part, mon cher ami de grande "m3achrra" finit par me dire, le sourire en coin, en egyptien: toute la semaine, je mange du "foul" (feves), alors en week-end je veux bien des pates!
Bref, devant tant de cupidite au quotidien, vous pouvez comprendre pour quelles raisons j'ai eprouve le besoin de vous raconter le monsieur qui m'a laisse une livre. Le lendemain, je suis allee lui rendre sa livre, il a fait mine de refuser, j'ai insiste, et puis voila.