Le lendemain, jeudi 29 decembre, long petit-dejeuner, pile a l'heure limite avant la fermeture pour dormir plus ;-), visite a l'Office de Tourisme, chaudement recommande par le Guide du Routard (d'ailleurs, nos villes marocaines devraient en prendre de la graine, car Siwah, qui est vraiment un trou perdu, a un vrai Office du Tourisme, et qui marche!). Nous nous mettons d'accord avec l'agent de l'Office, Mehdi, qui nous a proposees de nous faire le guide l'apres-midi. Entre-temps, il nous conseille d'aller a l'ile de Fatnas. Une ile, en plein milieu du desert?! Allons voir ca de plus pres.
L'ile de FatnasD'ile, elle n'en a malheureusement plus que le nom historique. Nous y allons en charrette, tiree par un ane. 5 km, doucement, a laisser le temps passer, a discuter avec les filles. Cela m'a fait vaguement penser sur le moment que, dans le tourisme, et contrairement a nos habitudes modernes, le temps du voyage, c'est-a-dire du deplacement d'un point a un autre, est tout aussi important que le temps passe sur le lieu de destination.
Un barrage mis en place a asseche une moitie de lac. Finalement notre ile est devenue rattachee a la terre comme n'importe quelle autre morceau de terre. On a un peu marche sur la zone quelque peu marecageuse de l'ancienne moitie. On s'est pris un the, une chicha, des photos... Le temps passait a un rythme different a Siwah, c'etait au gre de notre humeur, du soleil, c'etait "nature" et moins artificiel et contraint qu'au Caire. Nous avons du partir pour notre rendez-vous avec Mehdi. En bonnes Marocaines egales a nous-memes, nous avons eu 15 mn de retard. Mais en bonnes Marocaines occidentalisees, nous l'avons appele pour le prevenir de notre retard...
Le telephone portable avait commence a faire sentir ses effets des ce moment la... Lamyaa qui devait traiter d'une affaire importante au Maroc, et Jihane, animal social en puissance, qui, a la question: "Si vous deviez emporter un seul objet sur une ile deserte, lequel serait-il?" repondrait avant meme la fin de la question: "Mon portable"... C'est quand meme marrant d'observer un besoin de coupure d'avec le monde tourbillonnant de la civilisation moderne, effrenee, laborieuse et consumeriste (dont toutes les 3 nous avions besoin) et qui nous a amenees a choisir Siwah et non pas une destination plus glamour..., tout en etant quelque part incapable de couper
totalement les ponts, pour une duree determinee (3 jours). Cela fait tres "alienation et dependance", et certainement pas "liberte" au sens philosophique du terme. Je dois dire que moi-meme, bien que je n'ai pas recu beaucoup de coups de fil, je n'ai pas non plus eteint mon portable. Vous savez, "on ne sait jamais..." En tous les cas, Jihane et Lamyaa ont ete durant ces 3 jours, de magnifiques publicites vivantes de l'etendue de la couverture reseau des operateurs egyptiens...
La visite guideeMehdi avait une sorte de Jeep tres "safari" (genre vitres en plastique qui s'ouvrent et se ferment avec des fermetures Eclair). Il nous a fait visiter en une apres-midi la Montagne des Morts (petite montagne qui servait de tombe funeraire sous la dynastie des Ptolemees, puis sous les Romains; les Siwis s'y sont abrites - de leur vivant cette fois-ci - durant la Seconde Guerre Mondiale pour eviter les bombardements - italiens si je me souviens bien), l'Oracle Amon (un des plus grands oracles, consulte par Alexandre le Grand, qui y aurait obtenu la confirmation que son pere etait Amon, un dieu donc), la source de Cleopatre (ou comme son nom l'indique, Cleopatre s'y serait baignee, mais Mehdi en doute fort), puis une derniere montagne dont je ne me rappelle plus le nom, a proximite de bains de sable tres prises en ete, contre les rhumatismes (un peu comme a Merzouga), et au sommet de laquelle nous nous sommes laisses aller a un coucher de soleil et nous avions une vue imprenable de Siwah (2 millions de palmiers-dattiers et oliviers, parait-il, quasiment tout entoures d'eau).
Mehdi a, je crois, apprecie de faire le guide a des arabophones: il a tout explique en arabe, et je crois que ca a du le changer des touristes occidentaux. Il nous a parle de certaines coutumes des Siwis (etrangement, Berberes islamises il y a longtemps, il est hors de question pour un Siwi d'epouser plus d'une femme; les Siwis sont gouvernes par les chefs de 7 (ou 9?) tribus), de la place et de la pratique de la sorcellerie (avant les gens pratiquaient la sorcellerie, la magie noire, aujourd'hui ca a fortement diminue, mais les gens savent toujours), des histoires de djinn (par exemple celui qui protege un tresor enfoui, et qui, enerve de 3 nuits de tentative des Siwis de deterrer ce tresor, les a rendu inconscients au matin, a l'aube, ne sachant pas ce qui leur est arrive), djinns qui ont d'ailleurs quitte Siwah, car elle est devenue trop moderne, trop agitee pour eux, mais qui restent dans les parages quand meme, dans l'obscurite des palmiers de l'oasis, et de ce fou du village aussi, a cote duquel nous sommes passes, qui est devenu fou il y a longtemps car il etait amoureux de sa cousine, et puis ca ne s'est pas bien passe (il le nous en a pas dit plus...). J'ai eu l'impression d'avoir remonte dans le temps, tout en notant a quel point il y a de points communs avec nos Berberes marocains. C'aurait presque pu etre ma grand-mere qui me parlait...
Les Siwis sont tres fiers d'etre Berberes, et semblent ne pas apprecier qu'on les categorise de bedouins. Pour les Cairotes, les Siwis sont des bedouins, mais pour les Siwis, les bedouins sont les tribus qui ont des chameaux. Je suppose qu'en cela, ils se definissent aussi comme sedentarises, contrairement aux bedouins "avec des chameaux" qui sont nomades. Eux, ce sont des "amazigh", et ils semblent croire que tous les Marocains sont des "amazigh". Nombre de visages de Siwis avec qui on a echange quelques mots s'est eclaire quand on disait qu'on venait du Maroc, puis il y avait un melange de deception et d'incredulite quand on leur expliquait que tous les Marocains ne sont pas necessairement Berberes... Ils utilisent le meme mot pour dire l'eau: "amane".
Mehdi nous a deposees a
notre hotel, nous nous sommes reposees, diner a l'heure du gong (19h) et puis nos sommes retournees a nos chambres. Il faisait tres froid, nous avions passe une journee bien chargee donc le confort, et surtout la bonne temperature de nos chambres chauffees nous satisfaisaient completement pour cette 2e nuit a Siwah.